Définir la stratégie IT dans le contexte global de l’entreprise

Définir la stratégie IT dans le contexte global de l’entreprise

L’IT, pilier stratégique et levier de valeur

L’image traditionnelle de l’informatique comme fonction support est encore présente dans de nombreuses organisations. 

Pourtant, cette vision ne reflète plus la réalité. 

Les modèles d’affaires sont bouleversés par les technologies digitales, l’IT est devenue un acteur clé de la création de valeur.

Elle ne se contente plus de supporter les processus opérationnels : elle permet de les repenser, de les automatiser, de les enrichir de données, de les connecter en temps réel à un écosystème externe. 

L’IT permet de créer de nouveaux produits, de développer des services numériques, d’améliorer l’expérience client, de réduire les coûts, d’accélérer l’innovation.

La stratégie IT ne peut donc plus être conçue comme une simple conséquence de la stratégie d’entreprise. 

Elle doit être pensée de manière symétrique. 

Elle nécessite une gouvernance propre, une vision long terme, des choix structurants en termes d’investissements, de compétences, d’architecture et de culture.

Convergence stratégique

Le concept d’alignement stratégique est fondamental pour comprendre la place de l’IT dans l’entreprise. 

Théorisé dès les années 90 par Henderson et Venkatraman (sous le nom d'alignement stratégique), il repose sur l’idée que la performance de l’entreprise dépend de la cohérence entre quatre dimensions : la stratégie d’entreprise, la stratégie IT, l’organisation de l’entreprise et l’organisation du SI.

L’alignement n’est pas un état stable. 

Il doit être adapté en permanence aux évolutions de l’environnement. 

Il implique un dialogue constant entre les parties prenantes : direction générale, directions métiers, DSI, fonctions support, partenaires. 

Il suppose aussi un langage commun et une capacité partagée à définir les priorités et à arbitrer les ressources.

Dans cette logique, la stratégie IT n’est ni subordonnée, ni concurrente de la stratégie d’entreprise. 

Elle en est une composante essentielle, un facteur de différenciation, voire un moteur d’avantage concurrentiel.

On parle de convergence stratégique à partir du moment où la stratégie d'entreprise et la stratégie métier ne sont pas alignées.

L’IT comme capacité stratégique

Pour mieux comprendre cette transformation, on peut mobiliser la notion de capacité stratégique. 

Une capacité est l’aptitude de l’entreprise à mobiliser ses ressources de façon coordonnée pour atteindre ses objectifs.

 Dans ce cadre, l’IT devient une capacité transversale, qui soutient l’ensemble des autres fonctions de l’entreprise.

Le modèle de chaîne de valeur de Porter, revisité par la grille digitale de Weill et Ross, montre bien comment l’IT irrigue toutes les activités de l’entreprise : logistique, production, marketing, vente, finance, RH. 

Une stratégie IT pertinente permet d’améliorer chacune de ces activités, d’en augmenter la valeur, d’en réduire les frictions.

Dès lors, la stratégie IT ne peut se limiter à une succession de projets techniques. 

Elle doit viser le développement des capacités essentielles, en lien avec les objectifs business. 

Elle implique une approche globale, intégrée, pilotée au plus haut niveau.

Vers une gouvernance intégrée

Cette vision exige une gouvernance adaptée. 

La gouvernance IT, définie par la norme ISO/IEC 38500, est la capacité de la direction à piloter l’utilisation des technologies de l’information pour soutenir les objectifs de l’organisation. 

Elle ne se limite pas à la DSI : elle engage le conseil d’administration, les directions métiers, la direction générale.

Un bon modèle de gouvernance doit permettre de définir les priorités, d’arbitrer les investissements, de contrôler les risques, d’évaluer les résultats. 

Il doit aussi assurer une transparence, une redevabilité, une participation des parties prenantes.

Le cadre COBIT fournit une structure complète pour mettre en œuvre cette gouvernance. 

Il identifie les objectifs de gouvernance, les domaines de gestion, les facteurs de conception et les mécanismes d’évaluation. 

Il met l’accent sur la création de valeur, la gestion des performances et des risques, l’amélioration continue.

Intégration de la stratégie IT dans la stratégie d’entreprise

Une stratégie IT pertinente doit être conçue comme un volet de la stratégie globale. 

Elle doit en décliner les orientations, en soutenir les ambitions, en anticiper les besoins.

Pour cela, plusieurs outils peuvent être mobilisés. 

Le Balanced Scorecard (BSC), développé par Kaplan et Norton, permet de relier les objectifs stratégiques aux projets IT, via des perspectives fondamentales : client, processus interne, apprentissage et croissance, finance. 

La méthode des Objectifs et Résultats Clés (OKR) offre une mécanique plus dynamique, fondée sur des cycles courts, adaptée aux contextes agiles.

L’important n’est pas de choisir un modèle unique, mais d’adopter une logique d’intégration. 

La stratégie IT ne doit pas fonctionner en silo, mais en interconnexion permanente avec la stratégie financière, commerciale, RH, industrielle. 

Elle doit être présente dans les instances de pilotage, dans les arbitrages budgétaires, dans les indicateurs de performance.

Penser stratégiquement pour agir efficacement

Faire de la stratégie IT permet de faire levier sur la création de valeur et l'IT devient alors un instrument de transformation, un vecteur de compétitivité. 

Il s’agit de sortir d’une logique d’exécution pour entrer dans une logique de vision, de gouvernance, de pilotage.

 

Gouvernance du SI et pilotage de la valeur

Gouverner l’IT, une responsabilité partagée

La gouvernance des systèmes d'information ne peut plus être considérée comme un domaine technique, réservé à la DSI.

Elle est un enjeu stratégique qui engage la responsabilité des directions générales, des comités exécutifs et des conseils d'administration. 

Elle relève d'une gouvernance d'entreprise élargie, au sens où l'entendent les normes internationales comme ISO 38500.

Cette norme définit la gouvernance des technologies de l'information comme la capacité de l'encadrement à orienter, évaluer et contrôler l'utilisation des technologies afin de soutenir la stratégie de l'organisation. 

Elle met l’accent sur des principes clés : responsabilité, stratégie, acquisition, performance, conformité, comportement humain.

Dans les faits, cela signifie que la gouvernance IT doit être éclairée, collective et orientée vers la valeur. 

Elle ne peut reposer uniquement sur la compétence technique : elle doit s'appuyer sur une compréhension fine des enjeux métiers, des objectifs stratégiques et des facteurs de risques.

COBIT : une architecture de gouvernance complète

Le cadre COBIT (Control Objectives for Information and related Technology), constitue l'un des référentiels les plus aboutis pour mettre en place une gouvernance efficace du SI. 

Conçu par l'ISACA, il permet d'organiser, déployer et évaluer la gouvernance IT de manière structurée.

COBIT s’appuie sur des composants fondamentaux :

  • Des domaines de gouvernance et de gestion (Gouverner, Aligner, Planifier et Organiser, Construire, Acquérir et Mettre en Œuvre, Délivrer et Supporter, Surveiller, Évaluer et Apprécier)
  • Des objectifs de gouvernance (40 objectifs alignés sur les besoins de parties prenantes)
  • Des facteurs de conception adaptatifs (taille de l’entreprise, stratégie, menaces, exigences de conformité, etc.)
  • Un modèle de maturité et de gestion de la performance

COBIT permet de mettre en place un modèle adapté à chaque organisation, en fonction de sa stratégie, de son environnement et de son niveau de maturité. 

Il fournit un vocabulaire commun et un cadre cohérent pour dialoguer entre DSI, directions métiers et gouvernance centrale.

Piloter la création de valeur

L’un des enjeux majeurs de la gouvernance du SI est de garantir la création de valeur. 

Ceci implique d'être capable de démontrer que les investissements IT contribuent à la réalisation des objectifs stratégiques de l'entreprise. 

Cette logique est au cœur des modèles comme Val IT (extension de COBIT) et du Balanced Scorecard (BSC).

La valeur IT ne se résume pas à des gains financiers. 

Elle peut prendre la forme d'une meilleure expérience client, d'une réduction des délais, d'une augmentation de la qualité, d'une meilleure conformité ou d'une capacité accrue à innover. 

Elle est multidimensionnelle et contextuelle.

Le pilotage de la valeur passe par plusieurs leviers :

  • Une prioritisation claire des investissements
  • Une gestion de portefeuille stratégique (MoP, SAFe)
  • Des business cases structurés et régulièrement réévalués
  • Des indicateurs de performance métier/IT combinés
  • Des processus d’amélioration continue

L’idée fondamentale est de considérer l’IT non comme un centre de coûts mais comme un centre de valeur, en lien direct avec la compétitivité et la transformation de l'entreprise.

Mécanismes de pilotage et dispositifs de gouvernance

Pour assurer cette gouvernance orientée valeur, les entreprises doivent mettre en place des dispositifs organisationnels et des mécanismes formels de pilotage. 

Il peut s’agir de :

  • Comités de gouvernance IT, avec représentation métier et direction
  • Comités d’architecture d’entreprise (EA Board)
  • Comités projets/portefeuille (PMO stratégique)
  • Revues de performance IT-métier

Ces structures doivent être animées régulièrement, avec des rôles clairs, des ordres du jour orientés décision, et des arbitrages alignés sur la stratégie.

En complément, des outils comme les tableaux de bord stratégiques (issus du BSC) permettent de suivre l’exécution de la stratégie IT. 

Ils rendent visible la contribution du SI aux résultats de l’entreprise, facilitent la communication transverse et renforcent la responsabilisation des acteurs.

Une gouvernance adaptée au contexte

Il n’existe pas de modèle unique de gouvernance. 

Chaque entreprise doit adapter ses dispositifs à sa taille, sa culture, son secteur, son degré de maturité. 

Une ETI industrielle n’aura pas les mêmes besoins qu’une banque internationale ou qu’une collectivité territoriale.

Certains contextes exigent une gouvernance centralisée et fortement contrôlée. 

D’autres nécessitent plus de décentralisation, d’autonomie, de coopération entre entités. 

Le modèle bimodal proposé par Gartner (run/transform) peut être une piste intéressante pour combiner stabilité et agilité.

L’essentiel est d’éviter les deux pièges extrêmes : la gouvernance purement formelle, déconnectée du réel, et la gouvernance informelle, non documentée, reposant sur les individus.

Gouverner pour transformer

La gouvernance du SI n’est pas un sujet administratif. 

C’est une compétence fondamentale pour toute entreprise qui veut tirer pleinement parti de ses technologies. 

Elle permet de sécuriser les investissements, d’orienter les choix, de piloter la performance et d’engager les équipes.

 

Modèles économiques et enjeux d'investissement IT

L'investissement IT comme acte stratégique

Les dépenses technologiques représentent une part croissante des budgets, l'investissement IT ne peut plus être abordé de manière opportuniste. 

Il constitue un véritable acte stratégique, au même titre qu'une décision industrielle ou commerciale majeure. 

Il engage des ressources importantes, mais surtout, il conditionne les capacités futures de l'entreprise : sa réactivité, sa flexibilité, son aptitude à innover.

Chaque choix technologique entraîne des conséquences à long terme. 

Il façonne l'architecture du SI, les compétences internes, les modes de fonctionnement, voire la culture de l'entreprise. D'où la nécessité de l'inscrire dans une vision économique claire.

La logique coûts-valeur : au-delà du TCO

Pendant longtemps, les investissements IT ont été appréciés essentiellement à travers le prisme du TCO (Total Cost of Ownership). 

Cette approche reste utile, notamment pour comparer des solutions ou anticiper les coûts récurrents. 

Mais elle est insuffisante pour piloter une stratégie.

Il faut lui adjoindre une lecture orientée valeur : 

-> Quels bénéfices attendus, pour quels usagers, dans quels délais, avec quels risques ? 

Cette analyse suppose de raisonner en coûts complets (coûts directs, indirects, cachés), mais aussi en valeur métier (efficacité, satisfaction, agilité, conformité).

L'évaluation économique des projets doit ainsi reposer sur une méthodologie robuste, combinant analyses quantitatives (ROI, TRI, GR, VAN) et qualitatives (analyse d'impacts, bénéfices non financiers, risques stratégiques).

Dépenses d'exploitation vs. d'investissement 

La distinction classique entre CAPEX (dépenses d'investissement) et OPEX (coûts d'exploitation) reste structurante, mais tend à évoluer avec la transformation numérique. 

Le modèle traditionnel d'achat d'infrastructure (CAPEX) est progressivement remplacé par des services à la demande (SaaS, IaaS, PaaS), entraînant un basculement vers l'OPEX.

Ce changement de paradigme a des conséquences importantes : sur la trésorerie, sur le pilotage financier, sur les modèles de rentabilité. 

Il n’est pas nécessairement plus économique, mais il permet une plus grande flexibilité. 

Il convient donc de l’analyser à l’aune de la stratégie d’entreprise, et non comme une simple commodité.

Le business case comme outil de décision

Le business case est l’instrument de référence pour appuyer une décision d’investissement IT. 

Il ne se résume pas à un tableau financier : c’est un document de référence qui articule les objectifs du projet, ses bénéfices attendus, ses risques, ses hypothèses, son plan de réalisation.

Un bon business case doit être co-construit avec les parties prenantes métiers et techniques. 

Il doit être mis à jour tout au long du cycle de vie du projet, pour servir de base au pilotage, au reporting et aux arbitrages. Sa qualité conditionne souvent la pertinence de l'investissement.

Des référentiels comme le PMBOK, PRINCE2 ou MoP (Management of Portfolios) proposent des formats et des méthodes pour structurer un business case efficace.

Arbitrages budgétaires et gestion de portefeuilles

Les ressources disponibles pour l'IT sont souvent limitées. 

Il faut donc arbitrer, prioriser, renoncer parfois. 

Cette logique suppose une gestion de portefeuille structurée, capable de comparer des projets hétérogènes (techniques, réglementaires, innovants, support), selon des critères partagés.

La gestion de portefeuille ne consiste pas seulement à sélectionner les projets les plus rentables. 

Elle vise à assurer une cohérence avec la stratégie, un équilibre entre court et long terme, un alignement entre les ressources disponibles et les ambitions affichées.

Les grilles de notation, les matrices stratégiques, les comités de pilotage inter-métiers sont autant d’outils utiles pour organiser cette gouvernance économique.

Mesure de la valeur réalisée

Investir ne suffit pas : il faut être capable de mesurer les résultats obtenus. 

Cette mesure ne se limite pas à une vision comptable. 

Elle suppose un suivi des bénéfices réels, une évaluation régulière de la valeur perçue par les usagers, une confrontation des résultats aux objectifs initiaux.

La mise en place de KPIs clairs, partagés, actualisés est essentielle. 

Ces indicateurs doivent être pensés dès la phase amont du projet, inscrits dans les business cases, et suivis au même titre que les délais ou les coûts.

La valeur dépend aussi de la capacité à adapter les projets en cours de route, à faire évoluer les livrables, à ajuster les objectifs. 

C’est une approche dynamique, proche des méthodologies agiles.

Investir pour transformer

L'investissement IT est bien plus qu'une ligne budgétaire. 

C'est un choix structurant, une manière de construire le futur de l'entreprise. 

Il exige des outils, des méthodes, des compétences, mais surtout une vision claire : où voulons-nous aller, avec quelles priorités, et avec quelle valeur attendue ?

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